Les conséquences de la transmission d’un dossier médical dans des conditions "non satisfaisantes"

Une fin de vie qui donne lieu à de multiples réclamations  

Un patient de 68 ans ayant subi un infarctus du myocarde par occlusion de l'artère coronaire droite est transféré en service de réanimation d’un centre hospitalier. En l’absence de signe de réveil douze jours après l'arrêt des sédations, et les réflexes observés relevant de troubles myocloniques, une première décision d'arrêt des soins est prise, mais pas mise en œuvre en raison de l'opposition de la famille. 

Une seconde décision d'arrêt des soins intervient quelques jours plus tard, mais pas davantage mise en œuvre, la famille s’y opposant toujours. Le patient décède, sans que les soins aient été arrêtés, même provisoirement. 

La famille présente une réclamation suite au décès, portant sur plusieurs points : le caractère non justifié des décisions d’arrêt des soins puisque selon elle, l’état du patient s’était amélioré ; l’absence d’accompagnement de la famille ; la survenue d’une infection nosocomiale et enfin, un manquement du centre hospitalier à ses obligations en matière de communication du dossier médical. En effet, le centre a communiqué certaines pièces portant le nom d’un autre patient, ainsi que des pièces illisibles.  

En première instance, le tribunal administratif rejette la demande de la famille, qui interjette appel devant la Cour administrative d’appel, qui se prononce dans un arrêt du 5 janvier 2021.  

Un rejet des réclamations principales  

Les trois premiers griefs formulés par la famille sont rejetés :  

• Sur la décision d’arrêter les soins : la Cour administrative d’appel considère qu’il ne résulte pas des éléments du dossier que les soins aient été arrêtés à un quelconque moment avant le décès. Deux décisions en ce sens ont bien été prises par l’équipe médicale, mais elles n’ont jamais été mises en œuvre en raison de l’opposition de la famille. 
• Sur l’absence d’accompagnement : l’arrêt des soins n’ayant jamais été mis en œuvre, la famille ne peut reprocher de ne pas avoir bénéficié de l’accompagnement prévu par la loi en pareil cas, ceci d’autant plus que l’épouse du patient a refusé le soutien d’un psychologue proposé par l’équipe.  
• Sur l’infection nosocomiale : à la supposer établie, cette infection, consistant en une pneumopathie d’inhalation, n’est pas à l’origine du décès, dû à l’infarctus du myocarde.  

Sur la transmission des pièces médicales  

Conformément à l'article L. 1111-7 du code de la santé publique, l’ayant droit d’un patient décédé peut demander à accéder aux informations concernant la santé du défunt, détenues par des professionnels et établissements de santé. Mais l’article L.1110-4 du même code précise que seules doivent être transmises les pièces permettant à l’ayant droit de connaître les causes de la mort, de défendre la mémoire du défunt ou de faire valoir ses droits, sauf volonté contraire exprimée par la personne avant son décès. 

Si le centre hospitalier n’avait donc pas l’obligation de transmettre l’intégralité du dossier médical, il devait néanmoins transmettre les pièces répondant aux exigences de l’article L.1110-4.  

Or, en l’espèce, l’épouse du patient a dû demander à plusieurs reprises la communication des électrocardiogrammes de son mari, à tel point qu’une médiation a été nécessaire. De plus, certaines pièces finalement transmises étaient au nom d'un autre patient.  

Même si le centre hospitalier soutient qu'après enquête auprès du SAMU, du service de cardiologie et du service de réanimation, les électrocardiogrammes concernaient bien le patient, la Cour administrative d’appel considère que la communication du dossier médical n'a pas été effectuée "dans des conditions satisfaisantes".

La responsabilité du centre hospitalier se trouve donc engagée, et il est condamné à verser à chaque requérant une indemnité réparatrice de 1 000 €.  
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Que retenir de cette affaire ?  

Le dossier médical est un élément essentiel pour le patient (ou ses ayants droit en cas de décès), puisqu'il permet de retracer les soins dispensés et de mettre en évidence, le cas échéant, une faute ou un manquement dans la prise en charge.  

Lorsque le professionnel de santé ou l'établissement n'est pas en mesure de communiquer le dossier, par exemple parce qu'il a été perdu ou que certaines pièces n'y figurent pas, la jurisprudence considère généralement qu'il en résulte pour le patient une perte de chance : ayant été privé de la possibilité d’établir une faute ou un manquement, et ainsi faire valoir ses arguments, le patient subit un préjudice moral, qui doit être réparé. 

Les juridictions civiles ont même considéré que la charge de la preuve se trouve alors renversée : en l’absence de possibilité pour le patient d’apporter la preuve de la faute invoquée, c'est alors aux professionnels de santé ou à l’établissement mis en cause d’établir que la prise en charge a été correcte.  

Ici, la Cour administrative d’appel va encore plus loin : elle alloue un préjudice moral aux ayants droit du patient, alors pourtant que le dossier n'a pas été perdu et qu’il n’y a pas de pièces essentielles manquantes puisque finalement, les électrocardiogrammes étaient bien ceux du patient, vérifications faites après découverte de l’erreur de nom.

C’est le seul fait que le dossier ait été transmis dans des conditions considérées comme "non satisfaisantes" qui a suffi à constituer un préjudice moral, qui doit être réparé.  
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Il est difficile de déterminer a priori ce qui peut être considéré par le juge comme des "conditions non satisfaisantes" : retard de transmission, pièces illisibles, non pertinentes, etc. L’appréciation du juge dépendra des circonstances propres à chaque espèce.